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Au matin du 3 juillet 1940, moins de quinze jours après la signature de l'armistice, Churchill lançait l'opération « Catapult » justifiée à l'époque par le prétendu risque « d'une flotte française qui allait être saisie par les Allemands », un argument invérifiable mais le seul qui fût intellectuellement acceptable à l'époque pour justifier l'opération. En fait, il s'agissait d'un choix politique délibéré, qui permit à Churchill de démontrer que la Grande-Bretagne ne reculerait devant rien pour résister à Hitler. Cette réalité est maintenant bien reconnue du côté anglais, encore trop peu du côté français.
Il faut se souvenir que le même jour, les navires français en Angleterre ont été arraisonnés sans sommation, la flotte française à Alexandrie a reçu le même ultimatum qu'à Mers El-Kébir et que, dans cette même période, les navires britanniques ont reçu l'ordre de s'emparer, ou d'empêcher d'appareiller les navires français basés à Dakar ou à Casablanca, au même motif qu'ils risquaient de tomber entre les mains des Allemands… Le gouvernement français légitime, bien que désorganisé par son transfert en zone libre, n'était pas encore le régime de Vichy, et la collaboration n'existait pas encore; le général de Gaulle ne représentait pas encore un espoir de libération. Les ordres irrévocables donnés à la Marine étaient très clairs, les navires ne devaient être livrés à aucune force étrangère, ennemie ou amie.
Un ultimatum ayant pour but de permettre de saisir ou de détruire les flottes fut alors conçu par Churchill. À Alexandrie, le drame a pu être évité par la désobéissance de l'amiral anglais. Ce ne fut malheureusement pas le cas à Mers El-Kébir où la flotte britannique, depuis le large, a ouvert le feu sur la flotte française, mal préparée car en train de mettre en œuvre les mesures de désarmement et de démobilisation découlant de l'armistice. Cette escadre française mouillée dans le port à 6 km d'Oran comprenait 4 cuirassés, 1 transport d'aviation et 6 contre-torpilleurs.
Au matin, un ultimatum est remis à l'amiral français: il est irrecevable car il demande à l'amiral Gensoul de violer l'armistice avec toutes les conséquences que cela peut entraîner en France, ou de saborder ses navires pourtant hors de la mainmise immédiate des forces de l'Axe. La proposition faite également d'appareiller pour les Antilles est elle-même ambiguë, risquée et difficilement applicable sur le plan logistique dans les délais imposés. Les discussions vont se poursuivre toute la journée ainsi que les tentatives de communication de l'amiral Gensoul avec l'amirauté française qui était en plein déménagement. Des dispositions sont prises pour réarmer au mieux les bâtiments, les Anglais minent la passe. La possibilité d'un désarmement sur place fut envisagée mais refusée par Churchill qui insiste que tout doit être fini avant la tombée de la nuit.
Malgré leur réticence, les Anglais ouvrent le feu à 17 h 55 et ce pendant 17 minutes d'un combat inégal comparable à une véritable exécution. Les navires français ripostent comme ils peuvent. Les bâtiments qui en ont la possibilité appareillent. D'autres sont touchés. Le cuirassé Bretagne explose et chavire, avant de disparaître. Le Strasbourg et des contre-torpilleurs arrivent à sortir indemnes du port. Les Anglais partent à leur poursuite mais abandonnent à la nuit et le Strasbourg et son escorte rejoindront sans encombre Toulon au matin.
Cette journée se solde par la mort de 1 150 marins français (et plus de 350 blessés), dont plus de 900 avec le Bretagne. Mais le drame n'est pas terminé. Le 6 juillet, suite à un message imprudent, les avions anglais reviennent à la charge et finissent le travail. Si les Anglais ne comptent aucune victime, au total 1 297 marins français sont morts pour permettre à Churchill de prouver au monde qu'il ne se rendrait jamais et était prêt à tout même au prix du sang versé par les marins français. Ce fut effectivement un succès politique puisque les Américains ont très rapidement commencé à aider matériellement les Britanniques, et un succès auprès de l'opinion publique anglaise. Pas pour le ralliement des marins français, militaires ou civils. Plus tard le sabordage de la flotte à Toulon apportera la preuve indirecte que les marins français n'auraient pas laissé leurs navires tomber aux mains des Allemands.
Hervé Grall, président d'honneur de l'Association, 2005 (La Croix)